Conférence avec Matthieu Renault
« Réécrire l’histoire du monde depuis la Caraïbe »
Originaire de Nantes, Matthieu Renault est Maître de conférences en philosophie à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, membre du Laboratoire d’études et de recherches sur les Logiques Contemporaines de la Philosophie (LLCP).
Il est l’auteur de : Frantz Fanon. De l’anticolonialisme à la critique postcoloniale (Éditions Amsterdam, 2011) ; L’Amérique de John Locke. L’expansion coloniale de la philosophie européenne (Éditions Amsterdam, 2014) ; C.L.R. James. La vie révolutionnaire d’un « Platon noir » (La Découverte, 2016) ; L’empire de la révolution. Lénine et les musulmans de Russie (Éditions Syllepse, 2017) ; et, avec Magali Bessone, W.E.B. Du Bois. Double conscience et condition raciale (Éditions Amsterdam, 2021).
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Au cours du XIXe siècle et durant la majeure partie du XXe siècle, l’affaire était entendue : l’Histoire, celle que l’on fait, que l’on écrit et que l’on pense, était l’apanage exclusif des peuples occidentaux. Au-delà de l’Occident, il n’y avait que des « peuples sans histoire », des peuples embarqués de force dans le courant historique de la civilisation, des peuples accusant toujours un retard par rapport à l’Europe. Cette conception a été progressivement remise en cause à partir des années 1960 dans le sillage des décolonisations et depuis le centre même des (ex-)empires. Mais on ignore généralement qu’un tel geste de décentrement de l’histoire remonte beaucoup plus loin et qu’il s’est produit d’abord en « pays dominé », dans le monde non-occidental, et de manière tout à fait exemplaire dans les sociétés à fondement esclavagiste de la Caraïbe. Dans ces territoires, les populations afro-descendantes s’efforcèrent non seulement de se réapproprier leur histoire singulière, niée par le dominant, mais aussi, et indissociablement, d’écrire, à partir de ce point de vue marginal, une histoire qui soit réellement à la mesure du monde.
C’est cette histoire des réécritures de l’histoire mondiale, ou histoire universelle, depuis la Caraïbe, francophone et plus encore anglophone, que Matthieu Renault esquissera dans cette présentation. Il se penchera sur la matrice de ces réécritures, à savoir l’historiographie « insulaire » de la Révolution haïtienne de 1791-1804 produite dans une double perspective nationale et internationale (Jean-Louis Vastey, Thomas Madiou, C.L.R. James, Aimé Césaire).
Il s’intéressera également aux modalités, formes et fonctions de l’écriture de l’histoire dans le cadre des luttes panafricaines et des combats pour l’indépendance (caribéenne, africaine) du XXe siècle, en lien étroit avec la pensée et les mouvements marxistes (George Padmore, C.L.R James, Eric Williams, Walter Rodney).
Il tâchera, enfin, de rendre compte de la conception de la temporalité historique, et de son intrinsèque pluralité, qui se dégage, à la frontière de l’histoire, de la littérature et de la philosophie, des écrits de grands écrivains caribéens de la deuxième moitié du XXe siècle (George Lamming, V.S. Naipaul, Derek Walcott, Édouard Glissant).
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Informations pratiques
- Date : Vendredi 14 avril 2023 à 19h00
- Lieu : Espace culturel Louis Delgrès
89 quai de la Fosse – Nantes
02 40 71 76 57 - Tarif : Entrée libre dans la limite des places disponibles
- Modalités : Libre