LE MEMORIAL DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE DE NANTES
LE MEMORIAL DE L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE DE NANTES
Le 25 mars 2012, Nantes inaugurait le Mémorial de l’Abolition de l’Esclavage. Premier et seul du genre en Europe, ce lieu mémoriel permet à la métropole régionale d’affronter son patrimoine historique, à travers une de ses plus sombres pages, avec courage, intelligence et détermination
Sur les quais de Loire, entre le pont Anne-de-Bretagne et la passerelle Victor-Schoelcher, s’étend une promenade végétalisée de 7000 m2. Tout au long de cette esplanade sont réparties 2000 plaques de verre dont 1710 rappellent le nom des navires et les dates de départ des expéditions négrières nantaises. Les 290 autres plaques indiquent les comptoirs négriers, les ports d’escale et ceux de vente, en Afrique, aux Antilles, aux Amériques et dans l’Océan Indien.
C’est dès avril 1987, que la date anniversaire du 27 avril 1848 (décret d’abolition de l’Esclavage), fut marquée, par le regroupement de quelques ressortissants d’Outre Mer accompagnés d’amis nantais rassemblés, autour de l’association Combite Dom (qui deviendra Mémoire de l’Outre Mer, en avril 1989), pour devenir, au fil du temps, une vraie commémoration rassemblant de nombreux adhérents, amis et sympathisants.
Très vite, la Ville de Nantes a compris et soutenue l’idée que la diversité de nos histoires nourrirait la richesse de l’Histoire et, dès lors, cette commémoration a pris sa place dans la conscience nantaise.
En 1998, pour le cent cinquantième anniversaire de la date symbolique décrétant l’Abolition de l’Esclavage, « Mémoire de l’Outre Mer » à la tête du collectif d’associations, mandatait Liza MARCAULT-DEROUARD, alors jeune étudiante aux Beaux-Arts de Nantes, pour qu’elle réalise une œuvre symbolisant l’asservissement vaincu.
Erigée sur le Quai de la Fosse pour la commémoration, du 25 avril 1998, la silhouette décharnée de l’esclave, meurtri, bafoué mais enfin libre, levant les bras au ciel avec ses chaînes brisées répondait parfaitement aux attentes de notre association mais aussi globalement de la population émue par ce drame humain de l’Esclavage.
Cette œuvre qui se posait en ébauche d’un futur monument commémoratif fut, hélas, profanée, quelques jours plus tard. Ce triste événement faisait ressurgir, dès lors, les vieux démons que l’action quotidienne de plusieurs associations combattait : intolérance, racisme, exclusion, déni.
La statue saccagée devenait pour nous tous, si besoin était, un éperon pour que notre engagement se prolonge au-delà de notre simple devoir de mémoire. Cette attaque sur un symbole des valeurs qui doivent fonder la volonté de partage et d’union était la preuve tangible que rien n’irait de soi.
Effroi, dégoût, indignation, mais aussi révolte furent les sentiments qui ont largement prévalu en réaction à cet acte insultant la mémoire des esclaves. Le réconfort prodigué alors par les nombreux témoignages de soutien ne fut pas inutile, comme ne fut pas inutile l’engagement pris alors par Jean Marc AYRAULT, devant son conseil municipal en juin 1998, de mener à bien un projet de monument à l’abolition de l’Esclavage à Nantes.
A partir de cette date, quatorze années, jalonnées par bien des péripéties et vicissitudes, furent nécessaires pour que, à travers la réflexion, la validation du projet puis le long cheminement vers la réalisation concrète du Mémorial, la Ville de Nantes se place, avec cette audacieuse initiative, en posture de référence en tant que métropole assumant sereinement son passé négrier tant décrié. Regarder en face et objectivement ce patrimoine historique, sans compromission, ni occultation, a été le fruit du travail d’une municipalité qui a pris sa part de responsabilités. C’est aussi avec l’implication et l’engagement sans limite des acteurs associatifs que ce chemin a été parcouru.
Nantes ville pionnière, démontre, avec ce Mémorial, qu’elle sait assumer courageusement son passé et s’attache à développer l’écoute attentive de ses composantes plurielles.
Le Mémorial dévoilant, sans ambages, la vérité crue, brutale, effarante de l’esclavage et des traites négrières, mais aussi les luttes pour leurs abolitions, est un outil qui contribue à construire une pédagogie constitutive d’un avenir commun et partagé.
Ce lieu offre un espace mémoriel qui permet, au-delà du cadre de l’histoire locale, de se souvenir mais aussi de projeter notre regard vers une société qui respecte l’être humain dans la plénitude de ses droits. Ce monument d’une portée internationale n’a pas vocation à expliquer l’histoire. Il se veut être un point d’ancrage et de repère dans la construction d’une conscience collective refusant toute forme d’asservissement et affirmant la richesse et la diversité humaine.