Louis Delgrès

LOUIS DELGRES

 

Le nom de Louis DELGRES est venu naturellement s’imposer à l’esprit des membres du Conseil d’administration de l’association Mémoire de l’Outre Mer quand il a fallu choisir de baptiser les locaux du 89 quai de la Fosse.

Le président, alors Octave CESTOR, a été le premier à penser que le nom du chef, combattant pour la liberté des peuples, d’abord au service de la République française naissante au lendemain de la Révolution, puis face au corps expéditionnaire de Bonaparte, premier consul, décidé à ré instaurer, en 1802, l’esclavage sur le sol de la Guadeloupe serait de ces symboles forts qui pouvait le mieux caractériser l’esprit d’engagement et de détermination de l’association Mémoire de l’Outre Mer.

Louis DELGRES, né le 2 août 1766 « libre de couleur », à Saint-Pierre en Martinique, est le chef de la résistance contre les troupes envoyées par Napoléon Bonaparte pour rétablir l’esclavage en Guadeloupe, en 1802, après la première abolition de 1794.

Louis DELGRES c’est, effectivement, cet homme de loyauté et de bravoure qui se sentant trahi par la volonté de retour en arrière que traduit la réinstauration en France de l’esclavage en 1802, va prendre les armes et lutter sans merci contre les forces armées commandées par Richepance, envoyées, en Guadeloupe, pour mater la rébellion qui contrarie les desseins du consul Bonaparte.

 

Dans sa volonté d’éviter de plus amples massacres, Louis DELGRES, à la tête de ses 400 compagnons d’arme se retranchera au Matouba. Il résistera, avec héroïsme, aux assauts des armées consulaires fortes de plusieurs milliers de soldats pendant plus de huit jours, libérant les planteurs prisonniers. C’est finalement ce fameux 28 mai 1802 que, dans l’habitation d’Anglemont qu’il a fait miner, il décide de mettre un terme aux combats en faisant exploser les lieux entraînant dans la mort à ses côtés sa troupe mais aussi ses adversaires.

Il meurt en héros fidèle à la devise révolutionnaire « Vivre libre ou mourir »

 

Proclamation Louis DELGRES du 10 mai 1802
 

À l’univers entier

Le dernier cri de l’innocence et du désespoir

C’est dans les plus beaux jours d’un siècle à jamais célèbre par le triomphe des lumières et de la philosophie qu’une classe d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée de lever la voix vers la postérité, pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs.

Victime de quelques individus altérés de sang, qui ont osé tromper le gouvernement français, une foule de citoyens, toujours fidèles à la patrie, se voit enveloppée dans une proscription méditée par l’auteur de tous ses maux. Le général Richepance, dont nous ne savons pas l’étendue des pouvoirs, puisqu’il ne s’annonce que comme général d’armée, ne nous a encore fait connaître son arrivée que par une proclamation dont les expressions sont si bien mesurées, que, lors même qu’il promet protection, il pourrait nous donner la mort, sans s’écarter des termes dont il se sert. À ce style, nous avons reconnu l’influence du contre-amiral Lacrosse, qui nous a juré une haine éternelle… Oui, nous aimons à croire que le général Richepance, lui aussi, a été trompé par cet homme perfide, qui sait employer également les poignards et la calomnie.

Quels sont les coups d’autorité dont on nous menace ? Veut-on diriger contre nous les baïonnettes de ces braves militaires, dont nous aimions à calculer le moment de l’arrivée, et qui naguère ne les dirigeaient que contre les ennemis de la République ? Ah ! Plutôt, si nous en croyons les coups d’autorité déjà frappés au Port-de-la -Liberté, le système d’une mort lente dans les cachots continue à être suivi. Eh bien ! Nous choisissons de mourir plus promptement.

Osons le dire, les maximes de la tyrannie les plus atroces sont surpassées aujourd’hui. Nos anciens tyrans permettaient à un maître d’affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes malheureusement trop puissants par leur éloignement de l’autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d’hommes noirs ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l’esclavage.

Et vous, Premier consul de la république, vous guerrier philosophe de qui nous attendions la justice qui nous était due, pourquoi faut -il que nous ayons à déplorer notre éloignement du foyer d’où partent les conceptions sublimes que vous nous avez si souvent fait admirer ! Ah ! sans doute un jour vous connaîtrez notre innocence, mais il ne sera plus temps et des pervers auront déjà profité des calomnies qu’ils ont prodiguées contre nous pour consommer notre ruine.

Citoyens de la Guadeloupe, vous dont la différence de l’épiderme est un titre suffisant pour ne point craindre les vengeances dont on nous menace, – à moins qu’on veuille vous faire le crime de n’avoir pas dirigé vos armes contre nous, – vous avez entendu les motifs qui ont excité notre indignation. La résistance à l’oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause ; elle est celle de la justice et de l’humanité : nous ne la souillerons pas par l’ombre même du crime. Oui, nous sommes résolus à nous tenir sur une juste défensive ; mais nous ne deviendrons jamais les agresseurs. Pour vous, restez dans vos foyers ; ne craignez rien de notre part. Nous vous jurons solennellement de respecter vos femmes, vos enfants, vos propriétés, et d’employer tous nos moyens à les faire respecter par tous. Et toi, postérité ! accorde une larme à nos malheurs et nous mourrons satisfaits.

Le Commandement de la Basse-Terre Louis DELGRÈS